Saison 1 | Épisode 25

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Rêveries d’un poulpe solitaire : 1er mai, la fête du télétravail

C’est la première fois que nous vivons le 1er mai, un jour férié, en confinement. Traditionnellement, à cette date, on s’offre du muguet fraîchement cueilli dans un bout de forêt, ou acheté au coin d’une rue. Je me rappelle encore, non sans une certaine émotion, les beaux jours où, encore jeune étudiant, j’avais tendu un brin de muguet à une très chère belle demoiselle…

Le 1er mai marque ainsi la renaissance de la nature printanière, une célébration aussi vieille que la Rome antique. On festoyait alors en hommage à la déesse Flora ! Plus tard, au XVIème siècle, la fête du printemps devint aussi celle de l’amour. La fleur symbolisait alors la beauté et la passion qu’on éprouvait pour sa bien-aimée. Ce fut ensuite Charles IX, en 1561, qui décida que désormais, chaque année, on en offrirait aux dames de la Cour.

Quel est donc le rapport entre le muguet, symbole d’amour et de printemps, et la fête du travail du 1er mai ? Cela semble tout à fait dénué de sens, et cela d’autant plus qu’aujourd’hui nous la célébrons depuis notre canapé.

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Il ne s’agit en réalité que d’un concours de circonstances. En 1941, le maréchal Pétain décida que la fête du travail serait fixée à cette date, chaque année. Si le muguet en est devenu le symbole, c’est pour remplacer l’églantine rouge empruntée pour la journée internationale des travailleurs. Cette dernière, par sa couleur, était trop connotée à gauche !

Ironiquement, la fête du travail est un jour chômé. Mais il a ceci de spécial, qu’il laisse place aux manifestations et aux revendications des travailleurs. Ce 1er mai 2020, ces dernières ont eu lieu à Paris, sur les balcons avec des casseroles.

En effet, avec le confinement, notre travail est venu s’installer dans nos salons, alors quoi de plus normal que les revendications syndicales s’y invitent aussi ? Après tout, la campagne politique pour le deuxième tour des municipales a elle aussi été totalement délocalisée, ayant aujourd’hui entièrement lieu sur les écrans d’ordinateur. Nous sommes à l’ère où une manifestation s’immisce dans notre vie privée entre un café et un livre, où un démarchage politique se glisse entre un coaching sportif en ligne et un webinaire sur le développement personnel et la dépression en confinement.

Big Penguin s’est bien accommodé de cette situation : il n’a pas manqué de manifester depuis sa fenêtre ce vendredi 1er mai. Mais je m’interroge, qui est le destinataire de son message politique en confinement ? Le voisin de la fenêtre d’en face ? Ou l’oiseau qui passait par là ?

Dès lors, nous réaliserons peut-être que la modernité du 21ème siècle nous est offerte avec la livraison des repas gastronomiques, le travail de bureau à emporter et les manifestations politiques à domicile. Ajoutons-y « Big Penguin is watching You » ou les projets d’application mobile de surveillance de l’Etat (notamment pour vérifier que nous respectons les mesures de confinement) et que restera-t-il de notre sphère privée ?

En 2020, il aurait peut-être été plus juste de célébrer ainsi la fête du télétravail. Mais que fêterons-nous en 2021, en 2022 ? Si Big Penguin venait réellement à être au pouvoir, il ne pourrait tolérer que des manifestations ait lieu, dans nos salons y compris. Ce serait la porte ouverte à des revendications de nature politique, voire libérales, remettant en cause la suprématie de son autorité. L’anéantissement de notre sphère privée lui servirait commodément à contrôler notre passivité et docilité, même en confinement.

Avec Big Penguin à la tête de l’Etat, que célébrerions-nous alors le 1er mai ? Le travail forcé, les camps de rééducation, l’esclavage, le nettoyage de la planète ? Ou tout simplement un retour aux sources avec la fête du printemps et la renaissance de la Nature ? Après, tout, cela concorderait tout autant avec son message politique et contribuerait à forger l’identité politique sur laquelle il fonderait son pouvoir.

La semaine prochaine : Professeur Poulpi s’interroge sur le discours identitaire de Big Penguin…

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Cet épisode a été écrit par

Professeur Poulpi

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